Depuis San Francisco le boss d Energy Team et de la jeune équipe française Next World Energy tire un premier bilan à chaud de la Red Bull Youth America s Cup qui s est terminé cette semaine. Il évoque aussi le grand duel de la Cup qui commence aujourd hui entre Américains et Kiwis et donne son avis sur l avenir des AC45 et de l America s Cup. Instructif.
Depuis San Francisco le boss d Energy Team et de la jeune équipe française Next World Energy tire un premier bilan à chaud de la Red Bull Youth America s Cup qui s est terminé cette semaine. Il évoque aussi le grand duel de la Cup qui commence aujourd hui entre Américains et Kiwis et donne son avis sur l avenir des AC45 et de l America s Cup. Instructif.
Question : Bruno de l extérieur on a l impression que huitième n est pas la place que méritaient les jeunes Français de Next World Energy engagé dans la Youth America s cup car ils ont montré de belles choses. En un mot ce score parait un peu cruel. Est-ce aussi votre avis ?
Bruno Peyron : « C est toujours facile quand on a une contre-performance de dire qu on méritait mieux. C est sur que ça peut paraitre cruel parce qu ils pouvaient espérer beaucoup mieux. Mais deux erreurs de quelques secondes sur deux manches suffisent à passer de podium potentiel à une place de huitième. C est le jeu. Les leaders étaient un cran au-dessus. En revanche il y avait huit équipes qui pouvaient se battre pour le podium dont Next World Energy. J ai envie de dire qu on apprend plus de ses échecs que de ses succès a fortiori quand on est jeune ! C est mieux de gagnerbien sûr mais je pense que les gars ont énormément grandi avec cette expérience. Le tout dans un excellent état d esprit depuis le début de la constitution et de l entraînement de cette équipe réalisée avec l aide de la FFVoile et l appui de notre Club de référence le Yacht Club de France. On en reparlera dans quelques années Et puis le pire n est pas de ne pas réussir le pire est de ne pas essayer ! »
nn
D une manière plus générale quel bilan tirez-vous de cette expérience en AC45 avec de jeunes marins ?
Bruno Peyron : « Il est trop tôt pour faire un bilan global de ces trois dernières annéesmais en ce qui concerne la Youth Team c est vraiment ce que j anticipais. On voit qu il y a un potentiel énorme. Quand l idée est arrivée tout le monde l a saluée mais en réalité nous étions peu à croire que c était légitime et qu on pouvait aboutir à un spectacle aussi exceptionnel. A San Francisco il y avait plus de monde à regarder les départs de la Youth America s Cup que ceux de la Louis Vuitton Cup. C est probablement un signe. C est très rafraichissant et cela ponctue trois ans d AC45 d une belle manière. Il y a beaucoup de positif dans cette Youth ! Quand nous avons pris la décision d y aller voilà six mois j étais persuadé que cela avait du sens sur plusieurs plans : humainsportif économique. Car oui dans le contexte économique qui nous entoure un certain nombre d entreprises sont intéressées par cet axe de la transmission aux générations futures de la relève en un mot par la dynamique d avenir. La Youth America s Cup est en train de démontrer qu on peut réussir à n utiliser que les bons côtés de l America s Cup tout en en gommant certaines valeurs négatives et ça c est très intéressant ! »
nn
Quelles sont selon-vous les perspectives pour les AC45? Souhaitez-vous à titre personnel poursuivre cette aventure et si oui comment? Avec la formule des World Series? A l intérieur de la Cup ou en dehors ?
Bruno Peyron : « C est un vaste sujet ! On en parle depuis la première épreuve en AC45 au Portugal – où je note au passage qu il y avait eu plus d un million de vues sur Youtubec est à dire davantage que la Louis Vuitton Cup. Je ne peux pas imaginer un instant que les AC45 restent dans les containers après tout ce que nous avons démontré. Au sein du petit monde de l America s Cup c est d ailleurs la seule chose sur laquelle il y a unanimité : le spectacle le niveau sportif la production télévisée la haute technologie développée et la qualité des marins qui sont les meilleurs au monde en inshore.tout est exceptionnel en AC45 ! Il va y avoir forcément un temps mort après la Cup. Le futur Defenderpar définition aura tous les droits. Alors faut-il garder les AC45 accolés à la marque America s Cup ou pas? C est un vrai débat. Tant qu on n arrive pas à gommer les valeurs négatives de l America s Cup trop d argent égos surdimensionnés individualisme etc ce n est pas simple. En tant que patron d équipe je me sens personnellement beaucoup plus capable de vendre un circuit AC45 déconnecté de la marque America s Cup que l inverse. J ai peut être tortmais c est ce que je pense ! En attendant la solution serait peut-être de déconnecter le circuit AC45 de la Cup tout en proposant des solutions de passerelles que le futur Defender peut utiliser à l avenir s il le souhaite. Il y a des solutions pour cela qui ne me semblent pas si compliquées à mettre en oeuvre. La flotte existe. On dit que si Oracle gagne le circuit pourrait redémarrer dès le printemps prochain et que si ETNZ gagne la question sera de toutes façons soulevée aussi. Tout va se décanter dans les trois moisje pense. Personne n a intérêt à faire trop trainer les choses : ni Oracle ni ETNZ ni les autres challengers. D un point de vue plus personnel je suis fier pour les garçons de notre équipe de ce que nous avons réussi avec Energy Team : deux podiums en deux saisons de course en flotte ce n est pas rien ! Je pense aussi aux partenaires qui nous soutiennent : Corum depuis la première heureMarinepool puis tout récemment Next World Group qui s est engagé à nos côtés pour cette Youth America s Cup.
nn
Un mot sur la finale de la « grande » America s Cup qui commence ce samedi. Vous supporterez votre ami kiwi Grant Dalton? Est-il favori comme le prétend Jimmy Spithill depuis les sanctions infligées à Oracle par le Jury International ?
Bruno Peyron : « Je supporterai effectivement mon ami Grant pour plein de raisons j ai beaucoup d affinités avec lui mais je n aime pas trop ce mot je ne suis pas dans une mentalité de supporter. Je suis juste proche d ETNZ culturellement. Jimmy joue son rôle quand il dit qu ETNZ est favori mais en réalité aucun des deux ne l est ! Ce sont deux grosses équipes qui ont fourni un énorme travail technologique humainsportif. C est le plus haut niveau qui ait jamais existétout ceci est vrai mais aujourd hui personne ne peut dire si une équipe est au-dessus de l autre ! Voilà quelques semaineson pouvait supposer qu ETNZ avait de l avance : premiers vols stabilisés parfaitspremiers empannages sans poser la coque et avec une sortie de trajectoire idéale. A ce moment-làouion pouvait imaginer qu Oracle était en retardd autant que les Kiwis semblaient capables de voler plus tôtdans des vents plus faibles. Mais quand on regarde les derniers entrainementsmanifestement il s est passé des choses car coté Américain désormaisc est juste la perfection aussi ! C est parfait des deux côtés ! Oracle réussirait peut-être à descendre un peu plus en VMG au portant à voir. Un autre sujet est la capacité à foiler au prèscela peut être une arme supplémentaire à utiliser en attaque ou en défense. Honnêtementon devrait en savoir beaucoup plus ce week-endaprès les premiers duels. Je serai sur l eauà bord du chase boat d ETNZ. Le spectacle va être grandiose. »
nn
Une dernière chose : Grant Dalton prétend que s il gagne l America s Cupil vous verrait bien dans un rôle d ambassadeur-observateur pour recueillir les doléances des pays intéressés par la Cup. Notamment sur la fameuse question de l avenir en multicoques ou en monocoques. Qu en pensez-vous?
Bruno Peyron : « Le sujet n est pas encore d actualitéil va se passer beaucoup de choses dans les semaines qui viennent et chaque chose en son temps. Déjàil faudrait pour cela décider de mon avenir au sein d Energy Team car je me vois mal juge et partie. Mais dans l absoluc est forcément intéressant. Je ne peux pas m empêcherdepuis des annéesde rechercher des consensus autour d une vision. C est comme ça que j ai créé The Race et que j ai essayé d apporter ma contribution à l avenir de la Cup. La Cup doit engager sa troisième révolutionelle en a déjà réussi deux : la sportive et celle de la production télévisée. La troisièmece serait de faire la révolution de sa propre image. C est la seule discipline de la voile qui véhicule encore des valeurs négatives d argent coulant à flots